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Question phoques

Prise en charge des phoques en détresse ?

5 septembre 2023

Situation des phoques en France

Deux espèces de phoques cohabitent sur nos côtes, en Manche et Atlantique : le phoque gris (Halichoerus grypus) et le phoque veau-marin (Phoca vitulina).

La présence de ces animaux sauvages sur notre littoral est normale. Ils y viennent pour se reposer, muer ou se reproduire. On estime qu’ils passent environ 80% de leur temps en mer et 20% à terre. Le temps passé à terre est plus important pour les plus jeunes. Même s’ils se retrouvent la plupart du temps à proximité des colonies (plusieurs sont connues en France), de nombreux phoques isolés sont également observés tout au long de l’année, parfois même sur des plages fréquentées.

Pour ces espèces, le repos à terre est un besoin vital. Si nous avons la chance aujourd’hui de côtoyer ces animaux, c’est notamment grâce aux efforts de protection entrepris depuis des années par les associations de protection de l’environnement et les gestionnaires d’aires marines protégées.

Ainsi, les populations de phoques veau-marin et de phoques gris dans l’hexagone se portent bien et on constate une augmentation des effectifs et des naissances (Fig. 1 et 2) sur l’ensemble des sites (Poncet et al. 2022). Plusieurs milliers de phoques fréquentent ainsi le littoral français.

Figure 1 : Évolution annuelle des effectifs maxima de phoques veaux-marins (à gauche) et de phoques gris (à droite) observés dans principales colonies entre 1990 et 2021. Les points représentent le nombre maximum d’individus observés et les lignes correspondent à la tendance annuelle.
Figure 2 : Évolution du nombre de naissances de phoque veaux-marins (à gauche) et de phoques gris (à droite) au cours du temps en fonction des sites. Les points représentent le nombre de naissances cumulées observées et les lignes correspondent à la tendance annuelle.

Impact du dérangement sur les phoques

La présence, l’activité ou certains comportements humains à proximité des phoques peuvent être une source de dérangement et provoquer notamment des comportements de fuite ou de défense. L’impact énergétique peut alors être considérable (le phoque retourne à l’eau et dépense de l’énergie pour nager et thermoréguler alors qu’il était en phase de repos). A répétition, ces situations qui provoquent un stress supplémentaire, peuvent avoir des conséquences très négatives, surtout pour les animaux déjà affaiblis. En période de reproduction, le dérangement peut également être à l’origine de séparation des couples mère-jeune, laissant alors le petit seul ce qui lui est généralement fatal.

Relevons également que des risques sont aussi présents pour les humains, les phoques pouvant être à l’origine de morsures et/ou de transmission de pathogènes.

Ainsi, dans les zones très fréquentées à la fois par les phoques et par les humains, des mesures de protection sont mises en place par les acteurs locaux tels que :


Echouages de phoques sur nos côtes

Du fait de l’augmentation des populations, le nombre de phoques qui se reposent simultanément à terre peut atteindre plusieurs centaines. Ainsi, les signalements de phoques (observations et échouages) se sont intensifiés et se sont étendus à toute la façade ouest ces dernières années (Fig. 3). Entre 2017 et 2021, l’Observatoire PELAGIS, coordinateur du Réseau National Echouages (RNE), a traité plus de 2 000 signalements de phoques (vivants ou morts) sur notre littoral.

Figure 3 : Distribution annuelle des échouages de phoques gris et veaux-marins sur le littoral (n = 4 534)

UN PHOQUE ISOLE N’EST PAS NECESSAIREMENT EN DETRESSE la consigne délivrée par le ministère chargé de l’Ecologie est de l’observer à distance et de contacter l’Observatoire Pelagis

  • Les animaux ne nécessitant pas d’intervention

Parmi ces signalements, 745 (34% des signalements) concernaient des phoques au repos, qui semblaient évoluer normalement dans leur milieu. Dans ces cas, la mise en place d’un périmètre de sécurité pour limiter le dérangement ont été recommandées. Les phoques ont alors pu rejoindre la mer par leurs propres moyens.

  • Les animaux nécessitant une intervention

Certains cas peuvent nécessiter une intervention humaine : animal blessé, enchevêtré ou présentant un état de santé dégradé, animal isolé incapable de subvenir seul à ses besoins, animal isolé dans une zone où le dérangement est considéré au-delà des seuils acceptables.

Ces interventions sont menées afin de répondre à des problématiques de bien-être animal au niveau individuel. Etant donné la dynamique des populations observées actuellement en France, ces sauvetages ont un impact relativement faible sur la sauvegarde de ces espèces en général. Les coordinateurs et correspondants locaux du RNE évaluent chaque cas en fonction des éléments disponibles et des capacités d’accueil des centres de soins. En l’absence d’éléments suffisants permettant de justifier la prise en charge immédiate dans un centre de soin et tel que cela est établi dans les procédures de prise en charge des phoques vivants où l’on peut lire « NE PAS INTERVENIR avant d’être sûr que l’animal soit en difficulté et qu’un centre de soins puisse l’accueillir », un périmètre de sécurité est mis en place. Il permet à l’animal de regagner son milieu et sa colonie (ou sa mère dans le cas de jeunes non sevrés) tout en limitant l’impact du dérangement. Cette première phase d’observation permet également d’apprécier le besoin réel d’une intervention. En l’absence d’évolution favorable de la situation, l’animal est alors pris en charge en centre de soins.

Dans l’hexagone, quatre centres de soins sont habilités à prendre en charge des phoques :

Il existe également des centres de transit en Nouvelle Aquitaine (comme la LPO d’Audenge ou l’Observatoire Pelagis) qui permettent de recueillir des phoques en attendant leur transfert vers un centre de soins.

Entre 2017 et 2021, 534 phoques signalés vivants ont fait l’objet d’une intervention (soit 25% des signalements), car ils étaient considérés en difficulté (c’est à dire que leur chance de survie était jugée faible en l’absence d’intervention) (Tab. 3). Il s’agissait le plus souvent de jeunes de l’année, présentant une dénutrition sévère. Parmi eux, 431 individus ont été placés en centre de soins et au moins 70 % d’entre eux ont pu être relâchés par la suite en milieu naturel. Les autres cas concernaient principalement des jeunes phoques pour lequel le dérangement trop intense compromettait à priori leur survie, ils ont fait l’objet d’une intervention sur le terrain :  re localisation de jeunes pour cause de dérangement important, désenchevêtrement d’un engin de pêche. Pour de rares cas d’adultes dont le pronostic vital était considéré critique, ils ont été examinés et euthanasiés par des vétérinaires ou sont morts avant intervention du Réseau National Echouages.

  • Les animaux signalés morts

Concernant les autres signalements (41 % des signalements) il s’agissait de phoques déjà morts, dont la majorité ont fait l’objet d’un examen par un correspondant du RNE.

Figure 4 : Composition des signalements de phoques sur nos côtes (à gauche) et Figure 5 : Devenir des phoques échoués vivants de 2017 à 2021 (à droite)


Cas du phoque veau-marin de Ploemeur

Le 20 août 2023, un jeune phoque veau-marin a été signalé à l’Observatoire Pelagis en milieu de matinée sur la plage de Fort-Bloqué à Ploemeur (Morbihan), par les sapeurs-pompiers (SDIS 56) qui avaient déjà établi un périmètre de sécurité autour de l’animal et qui ont signalé également la présence d’autres phoques dans la zone de baignade. Les éléments à disposition suggéraient que l’animal (signalé pour la première fois) ne nécessitait pas de prise en charge immédiate à ce stade. Malgré la fréquentation importante de cette plage, l’animal présentait une bonne condition corporelle, l’absence de lésions externes ou de signes de blessures, une mobilité normale et était à proximité de l’eau et d’autres phoques. Il a donc été décidé de maintenir le périmètre de sécurité dans un premiers temps et d’observer l’évolution de la situation. L’animal est mort moins de 3 heures après son signalement, durant cette première phase d’observation. Ce type de situation, bien que regrettable, reste néanmoins inévitable et très rare.

Une nécropsie a été réalisée et les résultats des analyses complémentaires sont encore attendus pour pouvoir conclure. Les premiers éléments de l’examen suggèrent néanmoins que la mort aurait été causée par un processus pathologique aigu d’origine infectieuse ou métabolique.


Perspectives d’évolution pour la prise en charge des mammifères marins en détresse

Un groupe de travail sur la prise en charge des mammifères marins en détresse, créé sous l’égide du Ministère de la Transition Écologique et de la Cohésion des Territoires (MTECT) débutera à l’automne 2023. Nombreux experts de différents domaines (bien-être animal, écologie des mammifères marins, santé animale, etc.) y participeront afin de permettre une meilleure coordination des acteurs nationaux et locaux en vue d’apporter une réponse rapide et adaptée aux situations impliquant des mammifères marins en détresse. Pour les jeunes phoques, les procédures d’évaluation et de prise en charge des animaux par des centres de soins seront également réévaluées en tenant compte du bénéfice-risque pour l’ensemble de ces animaux et des moyens disponibles.

Les missions du Réseau National Echouages et de l’Observatoire PELAGIS

L’existence du Réseau National d’Échouages (RNE) remonte à une cinquantaine d’années. Sa mission est d’assurer le suivi des échouages de mammifères marins (cétacés et phoques, vivants ou morts) sur le littoral français. La coordination scientifique de ce réseau est assurée par l’Observatoire Pelagis (CNRS et La Rochelle Université), au travers d’un comité de pilotage dont la composition est représentative des différents acteurs du réseau ainsi qu’une charte d’engagement.

Ce vaste réseau est composé de plus de 400 correspondants et 200 structures (qui agissent dans un cadre professionnel ou bénévole), formés et habilités à intervenir sur ces espèces protégées. Il comprend des vétérinaires, des centres de soin de la faune sauvage, des associations de protection de la nature, des scientifiques, des naturalistes, des agents de l’environnement, des agents de l’OFB, etc. Ainsi les protocoles actuels résultent d’un travail collaboratif entre tous ces acteurs.  Aujourd’hui, ce réseau intervient sur environ 2 000 échouages par an (cétacés et phoques). Il s’agit du dispositif de suivi de mammifères marins le plus important en France du fait de son étendue, sa stabilité dans le temps, ainsi que pour la richesse des données collectées et pour son appui aux politiques publiques (exemple des surmortalités de dauphins communs sur le littoral atlantique).