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Bilan des échouages durant la fermeture de la pêche à risque

Le 22 mars 2024.

Bilan des échouages durant la fermeture des engins de pêche à risque lors de l’hiver 2024.

Contexte de l’interdiction des engins à risque :

Dans le contexte de la procédure d’infraction de la Commission Européenne, la France publia un arrêté visant à réduire les captures de petits cétacés dans les engins de pêche. L’arrêté interdit les engins de pêche à risque élevé de captures de petits cétacés (chaluts pélagiques simples et en bœufs, chaluts de fond en bœufs, filets maillants et trémails) dans la zone CIEM VIII sous juridiction française du 22 janvier au 20 février inclus pour les années 2024 à 2026 (fig.1).

Figure 1 : Limites de la zone CIEM VIII (en jaune) et zone d’interdiction des engins à risque (zone CIEM VIII sous juridiction française, en rouge) ©Crown copyright, Open Streetmap, CARTO. Modifié.

Combien de petits cétacés ont été retrouvés échoués ?

Durant la période du 22 janvier au 20 février 2024, 189 petits cétacés ont été retrouvés échoués sur l’ensemble du littoral Atlantique et de la Manche Ouest, dont 173 ont été retrouvés morts. Il convient de noter que les données d’échouages sont en cours de consolidation et validation, et qu’il est encore trop tôt pour donner des chiffres définitifs.

L’état de décomposition d’une partie des animaux a permis d’estimer si la mort était survenue avant ou après le début de la période d’interdiction des engins à risque.

Tableau 1 : Echouages de petits cétacés (dauphins communs, marsouins communs, dauphins bleu et blanc, grands dauphins et delphinidés non identifiés) durant la période du 22/01/2024 au 20/02/2024

A l’échelle de la zone CIEM concernée par l’interdiction des engins à risque, soit de la frontière espagnole jusqu’à 48° Nord, ce sont 141 échouages de petits cétacés qui ont été signalés au Réseau National Echouages. En raison de leur état de décomposition à la date de l’échouage, la mort de 50 d’entre eux a été estimée durant la période de fermeture. A la date du 27/02/2024, seulement deux individus sur les 50 retrouvés présentaient des traces de mort dans des engins de pêche (ce nombre peut être amené à changer).

L’espèce principale reste le dauphin commun (n=75, 53%), mais cette proportion sera amenée à évoluer en fonction des informations transmises par les correspondants du RNE (26% des échouages sont encore au statut de dauphins indéterminés).

Parmi l’ensemble des échouages, 12 dauphins ont été observés échoués vivants.

La plupart des échouages recensés durant la période d’interdiction des engins à risque ont été signalés au Nord de l’estuaire de la Gironde et jusqu’à la pointe bretonne (fig. 2). Comme lors des hivers précédents, les départements de la Vendée et du Finistère présentent les niveaux d’échouages les plus élevés. Il convient de noter un nombre important de dauphins communs échoués entre la baie de Douarnenez et la presqu’île de Crozon, au nord et contiguë de la limite septentrionale de la zone de fermeture (19 individus estimés morts durant la période d’interdiction).

Figure 2 : Echouages de petits cétacés le long du golfe de Gascogne et la Manche Ouest (départements 64 à 50), dont la mort est estimée avant la période de fermeture (gauche) ou durant la période de fermeture (droite). Les barres rouges indiquent les limites Nord et Sud de la zone concernée par l’interdiction des engins à risque

Quelle comparaison avec les années précédentes ?

La comparaison date à date avec les échouages de l’année 2023 n’est pas pertinente. En effet, les conditions météorologiques jouent un rôle crucial dans l’échouage des carcasses de cétacé. Ainsi, si les vents d’Ouest vont favoriser l’arrivée des cétacés morts sur nos plages, les vents d’Est vont les repousser au large. Dans ce dernier cas, une diminution des échouages ne sera pas nécessairement issue d’une réduction des mortalités en mer.

Durant les 30 jours d’interdiction des engins à risque en 2024, les conditions météorologiques ont été globalement favorables aux échouages, puisque les vents d’Ouest étaient dominants sur la période.

Entre le 22 janvier et le 20 février 2023, les vents d’Est dominants avaient considérablement restreint la possibilité pour les carcasses à la dérive de s’échouer sur nos côtes, les repoussant vers le large. Seulement 54 échouages de petits cétacés avaient été recensés dans la même zone (sud 48°N).

En revanche, durant le mois de mars 2023, aux conditions météorologiques dominées par les vents d’Ouest et donc comparables à celles survenues durant l’interdiction des engins à risque, 744 petits cétacés avaient été retrouvés échoués, dont 741 morts. Durant la période hivernale 2023, les autopsies vétérinaires réalisées à Pelagis et chez les vétérinaires impliqués dans le Réseau National Echouages avaient révélé que 70% des animaux examinés présentaient des traces de mort dans les engins de pêche.

Il semble ainsi qu’à conditions météo comparables durant la période à risque, ce soient plusieurs centaines d’échouages qui auraient été attendues selon les statistiques des années antérieures. Les échouages recensés durant l’arrêt de certains engins correspondraient essentiellement à des mortalités non liées aux captures dans les engins de pêche (pathologies, accidents topographiques, séparations mère/petit…) et dont le nombre semble cohérent avec des taux de mortalité hors captures accidentelles.

Il reste important de rappeler que les causes des échouages sont multiples, et qu’ils restent un phénomène naturel et normal. L’enjeu est de détecter les surmortalités dues à des causes particulières. Ainsi en période hivernale pendant laquelle les vents d’Ouest sont souvent dominants, et les populations de dauphins plus proches des côtes, les échouages ne seront jamais à des niveaux très bas. Même si le phénomène de captures venait à diminuer drastiquement, les autres causes de mortalités (naturelles et autres causes anthropiques) génèreront toujours un « bruit de fond » des échouages.

A la date du 20 février, l’année 2024 présente un niveau d’échouages plutôt faible en comparaison de la série temporelle 2016-2023, proche de ceux signalés en 2018 et 2022 (fig. 3).

Le taux de capture apparent des petits cétacés (proportion d’échouages présentant des traces de capture parmi les animaux frais et peu putréfiés examinés par le RNE) durant la période du 22/01 au 20/02 se situe depuis 2012 entre 50 et 90% (fig. 4). Ce taux se situe autour de 10% en 2024, d’après les données provisoires à disposition au début du mois de mars 2024. Il convient néanmoins d’être prudent avant de conclure à l’efficacité globale de cette fermeture à l’échelle de toute la période à risque, puisque des mortalités importantes dans les engins de pêche peuvent encore survenir durant le mois de mars, comme cela a été le cas en 2023.

Figure 3 : Echouages de petits cétacés au sud de 48°N depuis 2010 durant la période du 01/12 au 21/01 (bleu) et durant la période du 22/01 au 20/02 (orange)
Figure 4 : Taux de capture apparents de petits cétacés échoués au sud de 48°N entre les 22/01 et 22/02 2010 à 2024 (données provisoires pour 2024) : proportion d’échouages présentant des traces de capture parmi les animaux frais et peu putréfiés examinés par le RNE